
Par Alioune Dieng
« Ce que la mémoire oublie, le corps se souvient. » — Proverbe africain
Deux pays, une mémoire africaine
Le Bénin et le Sénégal, bien qu’éloignés par la géographie, se retrouvent liés par une mémoire commune : celle de l’Afrique d’avant, d’hier et de demain. Deux terres de royaumes, de résistances, de spiritualité profonde, mais surtout deux foyers culturels qui ne cessent d’échanger, de dialoguer, de se répondre.
Histoire croisée : du Dahomey à Gorée
Le Bénin (ancien royaume du Dahomey) et le Sénégal sont deux symboles vivants de la traite négrière transatlantique. Tandis que Ouidah se souvient du départ des esclaves à travers la Porte du Non-retour, Gorée, au large de Dakar, garde le silence lourd de la Maison des Esclaves.


Les liens ne s’arrêtent pas à la douleur : les résistances de Béhanzin, roi du Dahomey, ou de Lat Dior, prince du Cayor, témoignent d’une même volonté de défendre l’honneur et la dignité de l’Afrique. Leurs mémoires résonnent encore aujourd’hui dans les rues d’Abomey comme dans les ruelles de Thiès.
Spiritualité : du Vodoun au Soufisme
L’un vénère les ancêtres à travers les masques et les rituels du Vodoun, l’autre invoque Dieu par les chants mystiques du soufisme islamique. Entre le Bénin et le Sénégal, la spiritualité se fait danse, musique, tambour, souffle, invocation.


Le Vodoun n’est pas une religion fermée : il dialogue avec les croyances. Au Sénégal, les confréries soufies comme la Tijaniyya ou la Mouridiyya partagent avec le Vodoun une approche symbolique du monde invisible. Rituels de possession et chants de transe se répondent, dans une Afrique où l’invisible est partout.
Création contemporaine : quand l’art unit les peuples
Aujourd’hui, de nombreux artistes béninois exposent à Dakar, notamment lors de la Biennale de l’Art africain contemporain (DAK’ART). À l’inverse, des musiciens sénégalais collaborent avec des artistes béninois sur des projets mêlant musique traditionnelle, afrobeat et jazz moderne.


L’icône béninoise Angélique Kidjo, engagée pour la mémoire africaine, a collaboré avec des percussionnistes sénégalais. De l’autre côté, Youssou N’Dour et Baaba Maal ont souvent évoqué les racines communes de l’Afrique de l’Ouest dans leurs musiques.
Vers une Afrique unie par sa culture
La richesse de la culture bénino-sénégalaise ne réside pas uniquement dans son passé. Elle vit dans ses jeunesses, ses créateurs, ses artisans du futur. Au-delà des frontières, les artistes, écrivains, griots, cinéastes et enseignants construisent une Afrique des passerelles, où l’unité passe par l’échange culturel.
Aujourd’hui plus que jamais, le Bénin et le Sénégal montrent que la culture est une force de résistance, un outil de transmission, un acte de renaissance. Et peut-être, le début d’une vraie fédération des imaginaires africains.
À propos de l’auteur
Alioune Dieng est journaliste, infographe, monteur vidéo et formateur culturel. Membre fondateur de Canal Banlieue TV et du site www.canalbanlieue.net, il explore les dynamiques culturelles africaines à travers des formats visuels et écrits. Coach sportif et militant culturel, il s’intéresse aux liens invisibles qui unissent les peuples d’Afrique.
Share this content: