Le massacre de Thiaroye du 1er décembre 1944 est l’un des événements les plus sombres de l’histoire coloniale française. Il illustre tragiquement les injustices subies par les tirailleurs africains, soldats originaires des colonies françaises d’Afrique-Occidentale, qui avaient combattu pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Contexte : les revendications légitimes des tirailleurs
Libérés des camps de prisonniers allemands après l’avancée des forces alliées en 1944, les tirailleurs africains espéraient un retour à la vie civile avec les droits qui leur étaient dus : paiement des arriérés de solde, primes de démobilisation et restitution des économies déposées pendant la guerre. Pourtant, ces demandes furent ignorées ou différées par l’administration coloniale française, les laissant frustrés et désabusés.
À leur arrivée à Dakar en novembre 1944, plus de 1 600 tirailleurs furent regroupés au camp militaire de Thiaroye, où les tensions montèrent rapidement face aux promesses non tenues. Certains furent même confrontés à un taux de change défavorable pour leurs économies, diminuant encore leur pouvoir d’achat.
Les événements tragiques du 1er décembre 1944
Face à une mobilisation des tirailleurs refusant de quitter le camp tant que leurs revendications ne seraient pas satisfaites, les autorités françaises décidèrent de réagir par la force. Ce jour-là, une opération militaire de grande ampleur fut menée avec des troupes coloniales, des gendarmes, des blindés et des armes lourdes. Une fusillade éclata, laissant entre 35 et plusieurs centaines de morts, selon les sources.
Un bilan controversé
Les chiffres officiels français font état de 35 morts et 46 blessés. Cependant, des historiens comme M’Baye Gueye ou Armelle Mabon contestent ces données, évoquant respectivement 191 morts ou plusieurs centaines, en s’appuyant sur des documents disparus ou non déclassifiés.
Répercussions judiciaires et mémoire
Les suites du massacre furent marquées par une répression sévère : 34 tirailleurs furent condamnés à des peines allant jusqu’à dix ans de prison, tandis que les veuves et familles des victimes ne reçurent aucune compensation. Il fallut attendre 2012 pour que François Hollande, président français, reconnaisse officiellement la répression, promettant une transparence dans l’accès aux archives, une démarche jugée insuffisante par certains chercheurs.
En novembre 2024, cinq députés français ont demandé l’ouverture d’une commission d’enquête pour approfondir les responsabilités militaires et politiques dans cette affaire, témoignant de la persistance des débats sur cet épisode dramatique.
Une mémoire à honorer
Le massacre de Thiaroye est aujourd’hui un symbole de la lutte pour la dignité des tirailleurs africains et des injustices subies sous le régime colonial. À travers des commémorations et des œuvres culturelles, comme le film Camp de Thiaroye d’Ousmane Sembène, il reste gravé dans la conscience collective sénégalaise et africaine comme un appel à la justice et à la reconnaissance.
En ce 1er décembre 2024, 80 ans après les faits, ce souvenir doit rappeler l’importance de rétablir la vérité historique et de rendre hommage à ces soldats sacrifiés, non seulement pour leurs combats au front, mais aussi pour leur combat contre l’injustice.
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