OFNAC 2024 : plus de plaintes, plus de doutes — l’envers d’une lutte anticorruption en pleine effervescence

 

Par Alioune DIENG, Journaliste d’investigation — Canal Banlieue Média • Publié le 15 octobre 2025

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Un chiffre qui interpelle : 397 plaintes contre 53 en 2023

Selon le rapport officiel de l’OFNAC pour 2024, le Bureau des Plaintes et Dénonciations a enregistré 397 plaintes et dénonciations, contre 53 en 2023 — une augmentation de +648 % en une année. Ce saut spectaculaire traduit une mobilisation citoyenne accrue et une meilleure accessibilité aux outils de signalement, mais n’exonère pas d’un examen critique des résultats produits par ces saisines.

En 2024 : 397 plaintes enregistrées — +648 % vs 2023.

Le numérique change la donne — mais pas encore l’issue

Le rapport mentionne que la majorité des saisines (plus de 60 %) est venue par voie numérique (mail / interface web). La digitalisation facilite la dénonciation et amplifie la portée des signalements. Elle rend aussi plus rapide la collecte initiale d’indices, mais ne remplace ni l’instruction approfondie ni la preuve judiciaire nécessaire pour poursuivre des auteurs présumés.

Collectivités locales : l’épicentre des soupçons

Les données du rapport placent les collectivités locales en tête des institutions mises en cause — près de 30 % des cas. Là où la proximité est censée favoriser la bonne gouvernance, les mécanismes de contrôle semblent insuffisants. Les infractions souvent citées comprennent : faux et usage de faux, mauvaise gestion, escroquerie et concussion, traduisant une vulnérabilité notable des administrations locales.

Des dossiers nombreux mais trop souvent sans suite

Sur les 397 dossiers reçus en 2024, 150 ont été classés sans suite — soit près de 40 %. L’OFNAC explique ces classements par des saisines incomplètes, anonymes ou hors de sa compétence. Reste que ce taux élevé alimente la défiance : pour les plaignants, classer sans suite peut signifier impunité, lenteur ou absence de ressources pour pousser les enquêtes jusqu’aux poursuites effectives.

Plus d’enquêtes ouvertes — peu de retombées publiques

Le Département Investigations a signé 93 ordres d’ouverture d’enquête en 2024 (contre 42 en 2023) et le total des enquêtes ouvertes depuis la création de l’OFNAC atteint plusieurs centaines. Les infractions fréquemment relevées dans les rapports finalisés incluent le faux et usage de faux dans les documents administratifs (11 %), le détournement de deniers publics (8 %) et la corruption (8 %). Toutefois, peu d’affaires débouchent sur des condamnations médiatisées ou des mesures correctives publiques fortes.

Les limites structurelles : ressources, coordination et protection des lanceurs d’alerte

Le rapport souligne des efforts (formation, digitalisation, coopération internationale) mais laisse transparaître des fragilités : rotation du personnel d’enquête, contraintes en termes de ressources humaines et matérielles, et coordination perfectible avec les autorités judiciaires et la Cour des Comptes. Le manque d’un cadre protecteur robuste pour les lanceurs d’alerte contribue aussi à des plaintes anonymes et parfois inexploitables.

Que retenir ? Entre progrès visibles et défis persistants

L’année 2024 montre un OFNAC plus visible et plus saisi que jamais. Les citoyens dénoncent davantage ; le pays se montre sensible aux questions de transparence. Mais la visibilité n’est pas encore synonyme d’efficacité judiciaire ni de sanction dissuasive. La vraie mesure du succès sera, à moyen terme, la capacité à transformer des plaintes en procédures effectives, en réparations et en responsabilité publique claire.

Conclusion : pour une lutte qui produise des résultats

Le rapport 2024 illustre un paradoxe : plus de dénonciations, mais des retombées concrètes souvent limitées. Pour gagner la « course de fond » que décrit le président de l’OFNAC, il faudra renforcer les moyens opérationnels, améliorer la coopération judiciaire, protéger davantage les lanceurs d’alerte et instaurer une culture de reddition des comptes effective — avec des décisions publiques, rapides et exemplaires.

Par Alioune DIENG — Journaliste d’investigation, Canal Banlieue Média.

Sources : Rapport d’activités 2024 de l’Office national de Lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC)

 

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