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%CanalBanlieueMédia %L\'information au coeur des grands evenementsL’Impact Socio-Économique des Filières Riz et Noix de Cajou au Sénégal

Dr Seydina Oumar Seye, économiste et analyste financier jette un regard sur les potentiels, défis et perspectives pour les Pays en Développement.

Par Amadou Sabar BA

Dans le paysage agricole sénégalais, deux filières se distinguent par leur potentiel économique et stratégique : le riz et la noix de cajou. Bien que portées par des dynamiques de croissance encourageantes, ces deux chaînes de valeur demeurent confrontées à de profondes contraintes structurelles qui limitent leur pleine contribution à la transformation économique du pays. Un éclairage s’impose sur les enjeux, défis et perspectives de ces filières clés.

Riz : croissance de la production, dépendance persistante

Avec une consommation moyenne de 100 kg par habitant et par an, le riz est l’aliment de base au Sénégal. Ces dix dernières années, la production nationale a connu une hausse impressionnante : de 559 000 tonnes de paddy en 2014, elle est passée à plus de 1,3 million de tonnes en 2021, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD). Cette performance est le fruit des investissements dans l’irrigation et la mécanisation, en particulier dans la vallée du fleuve Sénégal et en Casamance.

Pourtant, le pays reste fortement dépendant des importations. En 2022, 1,48 million de tonnes de riz ont été importées pour un coût estimé à 347 milliards FCFA. Cette dépendance s’explique par des rendements encore modestes, des pertes post-récolte significatives et la préférence des consommateurs pour certaines qualités de riz importé.

La filière rizicole n’en reste pas moins essentielle pour l’économie nationale : elle génère des milliers d’emplois directs et indirects, notamment via des projets comme celui de la Compagnie Agricole de Saint-Louis (CASL), et contribue à la sécurité alimentaire malgré l’écart entre production locale et besoins.

Anacarde : une filière en pleine croissance, freinée par la faible transformation

La filière noix de cajou, concentrée dans les régions de Kolda, Ziguinchor et Sédhiou, est en pleine expansion. La production nationale est passée de 19 000 tonnes en 2011 à 160 000 tonnes en 2023, et pourrait atteindre 200 000 tonnes en 2025. Pourtant, seuls 3 % de cette production sont transformés localement.

« Ce manque de transformation prive le pays de valeur ajoutée, d’emplois industriels et de compétitivité à l’export », souligne Dr Seydina Oumar Seye, économiste. Le Sénégal exporte l’essentiel de ses noix brutes, tandis que des pays comme le Vietnam transforment plus de 90 % de leur production. Les producteurs sénégalais, quant à eux, ne perçoivent qu’une fraction minime de la valeur finale, revendant à 15 000 FCFA la tonne, quand les exportateurs la revendent entre 750 000 et 1 100 000 FCFA.

Des défis structurels communs

Que ce soit pour le riz ou la noix de cajou, les défis sont multiples : infrastructures déficientes, accès difficile au financement, instabilité fiscale, et manque d’accompagnement technique et industriel. Dans les deux cas, des investissements ciblés permettraient une montée en gamme et une plus grande autonomie du pays.

Quelles perspectives ?

Pour le riz, des mesures prioritaires incluent la stabilisation du régime fiscal, le développement de rizeries modernes, la valorisation des sous-produits et la généralisation de l’assurance agricole.

Pour la noix de cajou, l’enjeu est de développer la transformation locale. Cela passe par l’implémentation rapide du projet Agropole Sud, la création d’un fonds de soutien sectoriel, la modernisation des infrastructures de transport et la structuration des circuits de commercialisation.

Vers une stratégie intégrée

« Ces deux filières incarnent à la fois les paradoxes et les promesses du développement agricole en Afrique de l’Ouest. Elles peuvent jouer un rôle clé dans la sécurité alimentaire, l’industrialisation rurale et la génération de revenus durables, à condition d’une volonté politique affirmée et d’une vision cohérente », conclut Dr Seye.

À travers une approche transversale mêlant financement innovant, gouvernance sectorielle, développement territorial et promotion de la consommation locale, le Sénégal peut transformer ces potentiels dormants en piliers de son émergence économique.

 

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